Culture | Cambrésis
17 septembre 2025
Agnès Tirlo laisse son empreinte en gravure
Nature et gravure ne se contentent pas de rimer. Pour Agnès Tirlo, elles incarnent à la fois la liberté de créer et une sérénité retrouvée. Depuis vingt ans, l’artiste s’exprime à travers un rituel hebdomadaire : graver des végétaux et des fleurs, symboles de l’équilibre qu’elle recherche.
C’est avec une humilité déconcertante qu’Agnès Tirlo partage sa passion. À 74 ans, elle collectionne les cartons remplis de ses impressions, témoins de sa créativité et de son perfectionnisme. On pourrait croire qu’elle a toujours exercé, pourtant, cette ancienne enseignante n’a commencé à graver qu’il y a une vingtaine d’années.
Tout est parti d’un cadeau de sa fille, un manuel
intitulé Comment peindre. Je m’y intéressais de loin, mais je ne
pratiquais pas
, se souvient-elle. Ce geste simple s’est révélé être un
véritable déclic pour cette femme introvertie. Elle a peut-être senti que
j’avais besoin de m’exprimer
, confie-t-elle avec douceur.
Cette retraitée s’initie au pastel dans des cours du soir à
l’école d’art de Cambrai. Là, elle applique les conseils avisés de son
professeur mais son envie d’apprendre la pousse à participer à un stage à l’école
d’art de Douai où elle fait la rencontre de la gravure. Et c’est une
révélation pour cette amatrice : Dès la première
initiation, j’ai compris que c’était mon art.
Depuis, elle s’y rend
chaque lundi pour continuer d’explorer les facettes de la gravure entre habitués.

L'imprévu vibrant de la gravure
Pour cette habitante de Proville, la gravure est une
aventure faite de rigueur et d’imprévu. Sur une plaque de cuivre, de zinc, de
plexiglas ou tout autre support, Agnès Tirlo trace à l’aide d’une pointe fine
son motif, retirant la couche de vernis avant de plonger le matériau dans l’acide. Elle
imprègne le tout d’encre, et le passe à la presse pour réaliser l’impression. Ce qui me plaît, c’est la surprise du dernier moment. On ne sait jamais si on a
bien maîtrisé tous les paramètres
, sourit-elle.
Car en gravure, chaque détail compte : la température, la réaction du matériau, la qualité du papier… Autant de variables qui influencent le résultat final, et qui font toute la magie de cette pratique.
Cette part d'aléatoire la captive. Elle y voit une leçon de
patience. Avant, je ne l’étais pas du tout. La gravure m’a appris à l’être
,
confie-t-elle. De ses plaques émergent alors des formes délicates, souvent
inspirées de ses balades. Hortensias, fleurs sauvages, feuillages, ses œuvres incarnent
sa quête d’équilibre et de plénitude. D’autres sont plus profondes comme Désolation,
une gravure représentant un paysage de guerre.
Les expos ponctuent son parcours. Agnès Tirlo a eu l’occasion de montrer son talent à Douai, à Belle-Île-en-Mer et même à Saint-Pétersbourg. Une aventure née presque par hasard, à la faveur d’une rencontre avec des artistes russes accueillis dans son atelier.

La transmission comme seconde nature
Si l'artiste se consacre à sa pratique personnelle, elle
n’en oublie pas son goût pour la transmission. Lorsque le professeur de l’école
d’art de Cambrai décide de prendre sa retraite, elle reprend le
flambeau en créant un atelier collectif. Au début, nous étions 25, serrés les uns contre les autres. Aujourd’hui, nous sommes une douzaine, et chacun dispose de son espace
, explique-t-elle.
Chaque jeudi, dans un ancien entrepôt familial de
confections de rideaux, le groupe se réunit pour créer. Parfois, cette ancienne
institutrice propose un thème commun, mais elle préfère tout de même laisser
libre cours aux envies de chacun : J’aime donner des conseils techniques,
guider un peu, mais jamais imposer.
Dans l’atelier, comme au sein de sa famille, Agnès Tirlo a semé une graine créative qui n’a cessé de grandir. Aujourd’hui, sa fille peint, et toutes deux partagent cette complicité unique que procure l’art. Car chaque gravure, au-delà de la matière, porte l’empreinte d’une liberté intime que l’artiste imprime, encore et toujours, sur le papier.
Crédits photo : Cédric Arnould
