Séniors | Flandre maritime
27 octobre 2025
À 90 ans, Bernard Beuvain expose ses toiles pour la première fois
C'est à la résidence séniors Lindeboom à Caestre que Bernard Beuvain a accepté de dévoiler ses talents de peintre. Il y a exposé une cinquantaine de tableaux de sa collection, tous empreints d'une émotion unique qu'il n'imaginait pas pouvoir transmettre un jour. Un rêve devenu réalité, grâce à l'encouragement des équipes et du Département du Nord.
Dans les couloirs de la Maison d'Accueil et de Résidence Pour l'Autonomie (MARPA) Lindeboom, quelque chose a changé. Sur les murs, des portraits - un homme aux tons vert et bleu, une jeune femme brune aux airs de Modigliani, vous observent. Des paysages mélancoliques, souvenirs du Nord, de Picardie ou de Normandie, vous invitent à la flânerie. Des insectes, plus vrais que nature, prennent la pose.
Si les œuvres exposées sont variées, elles reflètent toutes la même poésie, le même regard singulier porté sur le monde qui nous entoure : celui de Bernard Beuvain, 90 ans, locataire de la résidence depuis bientôt trois ans. Et artiste né.
C'est pour des raisons de santé que Bernard décide de quitter son domicile à Villeneuve d'Ascq et de se rapprocher de sa petite-fille, à Caestre. Dans ses valises, près de 400 toiles, qu'il conserve précieusement depuis de longues années. J'ai commencé à dessiner dans les années 60. Quand les filatures ont fermé, je me suis reconverti dans l'imprimerie, où je me suis formé pendant cinq ans. Là-bas, j'ai rencontré un peintre qui m'a encouragé, il m'a dit de prendre des cours. Alors je suis allé aux Beaux-Arts
, se souvient-il. Les années passent et Bernard continue de croquer avec curiosité ce qu'il voit. Tout l'inspire : la nature, ses proches et lui-même : dix années séparent ces deux autoportraits. Vous voyez, là j'avais des cheveux !
, plaisante-t-il.
Croire en ses rêves... et en ceux des autres
Cette caverne d'Ali Baba, c'est à Laure Bruneel, maitresse de maison de la résidence, qu'il en parle avec pudeur quelques temps après son arrivée. Quand j'ai vu ses tableaux, j'ai tout de suite pensé que ce serait super d'en faire une exposition. Il avait déjà prêté une ou deux toiles quand il habitait la métropole, mais il n'avait jamais eu sa propre rétrospective
, raconte la jeune femme. Malgré tout, Bernard est réticent. Je peins pour moi avant tout. Qui voulez-vous que ça intéresse ?
, s'étonne-t-il alors.
C'est avec le recrutement de sa collègue Anna en service civique animation que le projet va progressivement voir le jour : nous avons été contactées par Mme Aurélie Ladrat de la direction autonomie du Département du Nord. Elle nous a parlé de la méthode reprise, qui consiste à réaliser le rêve d'une personne âgée. Elle nous a formé aux techniques d'entretiens
, explique Laure. Nous avons donc passé plusieurs après-midi en compagnie de Bernard pour parler de sa vie et des histoires cachées derrière chaque œuvre
, complète Anna. À elles deux, elles réussissent à convaincre l'artiste de dévoiler une partie de sa collection et de son univers.
Le talent n'a pas d'âge. Chacun doit avoir la chance de vivre ses rêves et le Département est fier d'accompagner ceux qui le souhaite à les réaliser.
De l'ombre à la lumière
Bernard choisit les toiles, hésite, trouve qu'il y en a trop. La semaine avant le vernissage a été un peu compliquée ! Il avait peur du ridicule, de se mettre en avant
, avoue Laure. Mais les commentaires reçus de la part des résidents et des visiteurs auront raison de ses doutes. L'établissement a même mis en place un système avec des "like" pour inciter chacun à voter pour son oeuvre préférée. J'ai été très surpris de leurs retours. Surtout celui des enfants, quand ils ont découvert la maison aux insectes. Ils ont trouvé ça merveilleux. Tous les enfants sont des artistes disait Picasso mais ils oublient avec l'âge
, confie le nonagénaire, resté fidèle à son âme de petit garçon.
Si les couloirs de la résidence ont pris quelques couleurs avec l'évènement, l'humeur de Bernard a quant à elle plutôt viré au rose. Il est moins réservé et encore plus avenant. Son attitude n'est plus la même
constatent Laure et Anna. Une nouvelle source d'inspiration pour ses peintures ? Depuis que je suis ici je n'ai peint que trois toiles. Peindre c'est physique et ça demande de la concentration, c'est du travail ! Je me fais vieux vous savez
, confie-t-il dans un sourire malicieux. Les deux jeunes femmes ont déjà la solution : il reste un nombre de trésors inestimables dans ses cartons. Des toiles encore plus belles qui ne demandent qu'à voir la lumière
. De quoi largement mettre en place une deuxième exposition.
Crédits photo : Dominique Lampla
