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19 septembre 2025

Cinq choses à savoir sur les épis de faîtage

À l’occasion des Journées européennes du patrimoine, une vingtaine de résidents de Sars-Poteries, Dimont, Beugnies et Lez-Fontaine, ont reçu un authentique épi de faîtage en verre soufflé fabriqué dans l'atelier du MusVerre. Mais d'où vient cette tradition ?

1. Une création née de l’ingéniosité artisanale dans un contexte de crise

Les épis de faîtage en verre soufflé semblent être apparus à Sars-Poteries aux alentours de 1920-1930, dans un contexte de ralentissement économique. À cette époque, les verriers disposent de plus de temps libre en raison de la baisse des commandes. Certains d’entre eux commencent alors à souffler ces objets singuliers.

Ainsi est née une tradition artisanale qui s’est rapidement muée en un emblème de fierté ouvrière. L’originalité de Sars-Poteries est de présenter des épis de faîtage en verre, et non en zinc ou céramique. L'Avesnois est le seul territoire connu à ce jour avec une production d’épis de faîtage en verre. Une manière poétique de planter du verre dans les nuages, comme le résumait joliment le curé de Sars-Poteries de l’époque, Louis Mériaux.

2. De la protection de la charpente à un symbole d’appartenance sociale

À l’origine, l’épi de faîtage remplit une fonction utilitaire, et protège la charpente au point de jonction du faîtage, empêchant l’eau de s’infiltrer. Au fil du temps, il devient un élément architectural décoratif de manière générale. Dans les villages de Sars-Poteries, Dimont, Beugnies et Lez-Fontaine, il semble avoir évolué pour devenir un véritable marqueur identitaire.

Soufflé en verre coloré – vert, bleu ou mauve –, chaque épi reflète le savoir-faire et la créativité des ouvriers verriers. Au début du 20e siècle, il fait office de blason, comme une armoirie corporative portée avec fierté par les familles. Ces pièces, constituées de trois éléments (jambe, sphère et pointe) fixés par une hampe métallique, représentent alors autant une protection qu’une signature sociale.

Cette démarche s’inscrit dans une volonté de rendre le patrimoine accessible à tous, de renforcer l’identité territoriale et de valoriser les initiatives collectives des habitants et des artisans, tout en veillant au respect des règles d’implantation et à la transmission intergénérationnelle des traditions locales.

Martine Arlabosse, vice-présidente en charge de la Culture et de la communication institutionnelle

3. Une disparition progressive due à la guerre et au temps

La Seconde Guerre mondiale marque le début de la disparition des épis de faîtage qui ont été la cible des troupes allemandes. D’après le témoignage de Louis Mériaux, certains d’entre eux sont également détruits par des enfants armés de lance-pierres. Enfin, l’usure naturelle du temps a eu raison d’un certain nombre d’épis.

À la fin du 20e siècle, leur présence devient rarissime. En 1999, seuls quatre épis d’origine subsistent encore sur les toitures. Conscients de la valeur patrimoniale de ces objets, le musée-atelier du verre (l'ancêtre de l'actuel MusVerre) décide alors de relancer cette tradition à travers une journée de démonstration publique. Une vingtaine d’épis sont alors soufflés dans l'atelier du musée et proposés à la vente. L’engouement est immédiat : plus de 200 commandes arrivent.

4. Un renouveau encadré pour préserver l’ancrage local

Suite à cet engouement, une réflexion s’engage sur la pérennité de la tradition. Certaines pièces soufflées lors des premières distributions n’ont jamais été installées, ou offertes à des personnes extérieures au territoire. Afin de garantir l’inscription durable de ces épis dans le paysage local, une convention est mise en place en 2001 par le musée départemental. La distribution sera désormais réservée aux habitants des quatre communes historiquement rattachées à l’histoire des verreries réunies de Sars-Poteries (Sars-Poteries, Dimont, Beugnies et Lez-Fontaine). Pourquoi ? Parce qu’à l’époque une grande majorité des ouvriers et employés des verreries réunies y résidait.

Aujourd’hui, l’épi est remis gratuitement à condition d’être installé sur une toiture. En cas de revente de la maison, l’épi doit rester en place, en tant qu’élément patrimonial. Ces règles visent à assurer que les épis restent des témoins visibles et vivants de l’histoire verrière locale, et non de simples objets de décoration détachés de leur contexte.

5. Un patrimoine vivant, reconnu et réinventé

Depuis 1999, plus de 200 épis en verre soufflés dans l'atelier du MusVerre ont été installés sur les toitures de l’Avesnois, redonnant vie à une tradition locale tout en affirmant l'identité verrière du territoire. En 2026, un nouveau chapitre va s’ouvrir avec le lancement d’une nouvelle collection d’épis. Elle proposera une palette de couleurs différentes, dans le respect des valeurs de transmission, de mémoire artisanale et de créativité qui animaient déjà les verriers du 19e siècle.

Les modalités de remise des épis de faîtage vont également évoluer : huit épis seront attribués par tirage au sort aux habitants des quatre villages historiques, et quelques modèles, en édition limitée, seront mis en vente à la boutique du MusVerre dès les Journées européennes du patrimoine 2026. Par cette démarche, le musée départemental illustre pleinement son engagement à faire vivre le patrimoine en l’inscrivant dans le présent, en le rendant accessible à tous et en affirmant son lien profond avec le territoire.

Crédits photo : Département du Nord

  • Martine ARLABOSSE
    Conseillère départementale - Vice-présidente en charge de la Culture et de la communication institutionnelle
  • Musverre
    Musverre

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